Résumé Exécutif
En 2022, l’économie haïtienne a connu une détérioration généralisée, avec une hausse de plus de 47 % des prix des denrées de première nécessité et une inflation générale de 48,3 %. Les déficits pluviométriques ont également impacté la production agricole, provoquant d’importantes pertes de revenus pour les ménages dépendant de l’agriculture et de l’élevage. La violence perpétrée par des gangs armés a entravé l’approvisionnement en carburant, provoquant une rareté et des hausses de prix sur le marché. Ces facteurs ont fortement nui aux moyens de subsistance et au pouvoir d’achat des ménages haïtiens, accentuant les risques de détérioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Dans le but d’informer davantage la prise de décision, la CNSA, en collaboration avec ses partenaires, a mené l’édition 2023 de l’Enquête Nationale de Suivi sur la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle en août et septembre 2023, couvrant les différentes zones de moyens d’existence rurales, la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ainsi que les villes des Cayes et de Jérémie. Cette nouvelle enquête nationale avait pour objectif de mettre à jour les données sur la sécurité alimentaire et la nutrition mais aussi d’évaluer les marchés et la performance de la campagne agricole de printemps 2023. En raison des difficultés de financement et des conditions sécuritaires précaires, l’enquête de suivi de la sécurité alimentaire de cette année s’est limitée seulement au volet ménage portant sur la sécurité alimentaire, l’agriculture et l’élevage avec une approche basée sur le genre.

Les résultats sont issus des données qui ont été collectées auprès d’un échantillon représentatif de la population haïtienne constituée de 6 720 ménages dont 4 830 ménages dans les zones rurales d’Haïti et 1 890 dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et dans les villes des Cayes et Jérémie. Ces zones rurales sont constituées de 23 zones d’analyse, basées sur les zones de moyens d’existence de 2015, à l’intérieur de chaque département. Quant à la zone urbaine, elle a couvert les 7 communes de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince Prince, à savoir : Port au Prince, Carrefour, Pétion-Ville, Delmas, Cité-Soleil, Tabarre et Croix-des-Bouquets. Le découpage en zones d’analyse de ces communes urbaines s’est basé sur une analyse précédente des différents types d’habitat et de richesse relative qui composent les communes, répartie dans trois catégories : quartiers très pauvres, quartiers pauvres et, quartiers moyens et mieux lotis. Au total, la zone urbaine a été découpée en 15 zones d’analyse.

L’analyse des données attestent les faits suivants :

  1. Les données révèlent qu’à l’échelle nationale, la composition moyenne des ménages est de 5 membres et que les ménages sont dirigés majoritairement par les hommes (52%). 14% des ménages possèdent au moins une personne vivant avec un handicap, parmi lesquels ceux dirigés par des femmes (14,3%) sont majoritaires. L’analyse des données indique que dans l’ensemble du pays, 5% des chefs de ménages vivent avec un handicap. Les types d’handicap les plus répandus sont le handicap physique (48%), le handicap sensoriel (28%) et le handicap psychique (9%). Les handicaps physiques et psychiques prédominent chez les ménages dirigés par des hommes, tandis que les autres types de handicaps sont plus fréquents chez les ménages dont le chef est une femme.
  2. L’âge moyen des chefs de ménage est similaire, que le chef soit une femme ou un homme et à l’échelle nationale, 57 % sont biparentaux, c’est-à-dire que les deux parents sont présents. La majorité des foyers monoparentaux sont dirigés par des femmes (16%). A l’échelle du pays, le mariage et le concubinage se distinguent nettement comme les statuts matrimoniaux qui prévalent.  L’âge moyen du chef de ménage le plus bas est observé dans les départements de l’Ouest (46,2 %) et de l’Artibonite (49,3 %).
  3. A l’échelle nationale, 27 % des chefs de ménage ne présentent aucun niveau d’éducation, tandis que 36 % ont atteint le niveau primaire, 30 % ont franchi le cap du secondaire, et seulement 6,8 % ont atteint le niveau universitaire. 57 % des ménages ayant une femme comme chef ne disposent d’aucun niveau d’éducation.
  • 22 % des ménages ont des membres qui se sont déplacés en raison de l’insécurité, une préoccupation majeure qui impacte directement la sécurité alimentaire. La prévalence de la consommation alimentaire inadéquate à l’échelle nationale est de 56,2%. La consommation alimentaire la plus précaire est observée en milieu rural, avec 23,2 % des ménages présentant un score de consommation alimentaire pauvre, comparativement à 15,6 % dans la zone urbaine des Cayes et de Jérémie, et 22,1 % dans la zone métropolitaine. La Grand’Anse enregistre le pourcentage le plus élevé de ménages présentant une consommation alimentaire pauvre (43,9 %). L’analyse par milieu de résidence révèle, à l’image de la consommation alimentaire, que la diversité alimentaire est moins bonne dans les zones rurales que dans les zones urbaines.
  • La consommation alimentaire inadéquate est une caractéristique prédominante des ménages dirigés par des femmes. 50,4 % des ménages dirigés par des femmes ont une alimentation de faible qualité, tandis que 56,2 % des ménages dirigés par des hommes présentent une alimentation acceptable. De même, on observe que les ménages dirigés par des femmes ont une diversité alimentaire relativement faible, tandis que ceux dirigés par des hommes présentent une diversité alimentaire plus élevée.
  • A l’échelle du pays, la grande majorité des femmes en âge de procréer est confrontée à une insuffisance de diversité alimentaire, compromettant ainsi un apport nutritionnel adéquat. En effet, seulement 25 % de ces femmes parviennent à procurer une alimentation suffisamment diversifiée, permettant de maintenir une bonne santé et de donner naissance à des nouveau-nés en bonne santé.
  • A l’échelle nationale 64% des ménages ont recours à des stratégies crise et d’urgence. Le recours aux stratégies de crise et d’urgence est très fréquent à travers presque toutes les zones de moyens d’existence.  Artibonite HT01 (36,5%), Artibonite HT03 (50,3%), Bas Plateau (33,8%), Cité Soleil P et TP (37,8%), Delmas P et TP (37,8%) sont parmi les zones ayant présenté plus de ménages adoptant des stratégies d’urgence.
  • En ce qui concerne les sources de revenus, à l’échelle nationale, les principales sources de revenu sont l’agriculture (mentionnée par 33% des ménages) et le commerce (28%). Ensuite viennent largement dernière le travail journalier non qualifié (7,8%), le travail indépendant (7,5%) et les transfert 7%).
  • En moyenne, près de 70 % du budget total est consacré aux dépenses alimentaires, avec les dépenses liées aux céréales (riz, maïs, sorgho…) représentant plus d’un tiers du total des dépenses des ménages haïtiens. La dépense mensuelle moyenne par ménage est d’environ 20 000 HTG, tandis que la valeur du panier alimentaire est d’environ 28 000 HTG, entraînant un déficit moyen d’environ 8 000 HTG.
  1. En ce qui concerne l’évolution prévue de la sécurité alimentaire des ménages au cours des six prochains mois dans les zones urbaines, les données obtenues indiquent que plus de 33% des personnes interrogées anticipent une détérioration de la situation. Environ 19 % estiment que la situation restera inchangée, tandis que 15% des répondants s’attendent à une amélioration.
  1. L’accès à la nourriture (84 %) demeure toujours le premier besoin prioritaire identifié par les ménages tant en milieu rural qu’en milieu urbain, en deuxième position vient l’accès aux intrants agricoles (48%) en milieu rural, suivi de l’appui au AGR (38%). Enfin, concernant l’assistance alimentaire, si les ménages enquêtés étaient ciblés par la suite, ils préféreraient majoritairement recevoir une assistance mixte, composée d’une distribution monétaire en cash (82 %), et d’une distribution alimentaire représentant 13 % des ménages tant en milieu urbain qu’en milieu rural.
  1. Au niveau global, l’indice moyen de prise de décision des ménages est de 0,71. Le département avec le plus faible indice de prise de décision est celui des Nippes qui est de 0,63. Les départements ayant des zones en IPC 4 (Grand’ Anse et de l’Ouest) ont respectivement des indices de 0,66 et de 0,75. L’analyse des données démontrent que les ménages caractérisés par des IEF de phases 1, 2 et 3 présentent des indices de prise de décision de 0,7 ou plus.
  1. Les ménages ayant un score de consommation alimentaire acceptable affichent un indice de prise de décision supérieur à 0,74, tandis que ceux dont la consommation alimentaire est de moindre qualité présentent un indice de prise de décision de 0,69. Il apparaît que l’indice de prise de décision diminue à mesure que la sévérité des stratégies d’urgence adoptées augmente.

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